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Pillages sur la ligne Maginot : le cri d’alarme des associations

Ils se sont constitués en collectif pour alerter les pouvoirs publics, un cri d’alarme pour l’heure toujours sans réponse. Diverses associations d’entretien et de sauvegarde des forts de la ligne Maginot s’inquiètent des pillages à répétition sur l’ouvrage fortifié. Cette année, cinq forts ont été la cible des pilleurs, toujours selon le même mode opératoire. Il y a 3 semaines, c’est l’ouvrage Simserhof à Bitche qui a été à son tour vandalisé.

Un reportage signé Anne-Sophie Pierson

 

 

Les câbles ont été brûlés par les pilleurs afin d’en récupérer le plomb, le laiton et le bronze

« Non seulement on a un travail de restauration qui a été réduit à néant, des années d’efforts pour préserver ce matériel et se dire si jamais les tourelles qu’on présente au public ont des soucis, on a du matériel de rechange mais on ne peut plus y compter aujourd’hui, elles ont été démontées, vandalisées, c’est un constat d’échec, d’abandon et aujourd’hui ce qu’il nous manque c’est de l’aide pour préserver ce qui peut encore l’être et sécuriser les lieux » explique Claude Poésy, président de l’association du fort du Hackenberg.

Les câbles ont été sectionnés, puis brûlés afin d’en extraire les métaux précieux

En juillet dernier ce sont des fumées qui s’échappent de la partie non visitable du fort du Hackenberg qui alertent les bénévoles. Sur les 10 kilomètres de galerie, seul un tiers se visite mais le reste est entretenu par l’association. Derrière ces portes, les bénévoles constatent impuissants l’étendue des pillages. Tous les câbles ont été coupés puis brûlés pour récupérer les matériaux nobles : le plomb, le bronze et le laiton. Les anciennes stations électriques ont été mises à sac et toute la voûte porte encore les traces de l’incendie.

« C’est comme si on avait eu un tremblement de terre et que tout avait été pillé après le séisme. Tout ce qui n’a pas été démonté a été éventré pour en retirer le cuivre, le laiton. Ils ont rien laissé, c’est impressionnant. Ils chargeaient ensuite le matériel dans des sacs pour les sortir. »

Un préjudice financier chiffré à plusieurs dizaines de milliers d’euros mais l’association redoute surtout de nouveaux actes de vandalisme qui pourraient occasionner la fermeture du fort. Or, les 32 000 visiteurs annuels ont permis l’embauche de 5 salariés et la sauvegarde du site. Impossible pour l’association qui vit des dons et des recettes des visiteurs de surveiller les 30 hectares du site : investir dans un système de vidéosurveillance coûterait 170 000 euros. Un investissement auquel a donc été contrainte l’association, quitte à s’endetter.

Mais d’autres n’ont pas ces moyens, c’est le cas de l’ouvrage voisin du Michelsberg, 1500 visiteurs annuels. Ici, les pilleurs ont enlevé les guides en bronze des quatre tourelles de l’ouvrage qui sont désormais statiques, un préjudice immense pour le site.

Actes de vandalisme dans l’ouvrage fortifié

« Actionner les tourelles, c’est le clou de la visite pour nos visiteurs. Le risque c’est que si l’on ne peut plus montrer de matériel en action les visiteurs ne viennent plus. C’est l’attrait de nos sites » pour Yves Noël, président de l’association du fort du Michelsberg.

D’autant que ces tourelles sont uniques : seuls quelques exemplaires existent encore. Pour ces bénévoles, le risque c’est donc à terme la fermeture des ouvrages pillés et la disparition d’un pan du patrimoine.

« Cette tourelle de 255 tonnes est unique, tout comme la ligne Maginot. C’est le dernier ouvrage de défense construit par les Français pour protéger leurs frontières. C’est l’aspect patrimonial qui est en danger si rien n’est fait. Cela doit alerter les pouvoirs publics. »

Pour l’heure à l’exception de trois députés, le courrier du collectif est resté sans réponse. Des bénévoles qui se sentent aujourd’hui très seuls, comme un dernier rempart pour protéger notre patrimoine. Chaque année, en Moselle, les fortifications modernes attirent près de 100 000 visiteurs.

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